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Le projet de réforme aujourd’hui en discussion inquiète le monde associatif, en raison des effets que peut avoir le recul proposé de l’âge légal de départ à la retraite sur le bénévolat associatif, et parce qu’il traduit une absence de prise en compte de cette économie non lucrative pourtant indispensable au fonctionnement de notre société. La question de la retraite doit s’inscrire dans une réflexion sociétale plus large sur l’articulation des temps de vie et les différentes formes d’activités et de production de richesses. Des sujets qui sont au cœur de la réflexion et de l’action associative.

L’apport de l’action bénévole à la société est difficilement quantifiable, pour de multiples raisons. Tout d’abord parce qu’une grande part de ce qu’elle produit, en termes de bien-être et d’épanouissement individuel et collectif, ne se mesure pas ; d’autre part parce qu’elle ne s’inscrit pas dans le cadre de l’économie marchande et de la production de richesse telle que mesurée dans la statistique nationale au travers du PIB. Néanmoins la seule estimation de ce que peut représenter le bénévolat en termes de temps et/ou d’emplois donne une idée de ce qu’il produit et permet, même si elle ne permet pas de rendre compte de tous ses bénéfices ou même seulement des coûts évités. De façon plus large, une récente étude[1] cherche à mesurer ce que représente « l’activité contributive » dans notre pays (dans laquelle entre le bénévolat, le volontariat mais aussi les engagements informels, les activités éducatives ou de care dans la sphère familiale, …) et met ainsi en lumière l’invisible qui permet le bon fonctionnement de la société et de l’économie.

Si l’on en revient au bénévolat, les plus de 50 ans représente la majorité des bénévoles associatifs, mais la tendance des 10 dernières années est à une diminution forte du taux d’engagement dans ces générations, accélérée par la pandémie, alors que ce même taux d’engagement a progressé chez les plus jeunes (15-34 ans) [2]; si un renouvellement, lié également à une évolution des attentes et des modes de l’engagement, est bien à l’œuvre, il n’en demeure pas moins que les (jeunes) retraités constituent toujours le « squelette » du bénévolat associatif, étant souvent les bénévoles les plus réguliers (un jour ou plus par semaine), pour leur plus grand bien (maintien d’une activité, reconnaissance sociale, maintien des liens sociaux) et celui de la société. Cette réalité est parfaitement compréhensible lorsque que l’on constate que l’un des principaux motifs donnés par les personnes déclarant n’avoir jamais fait de bénévolat est le manque de temps[3]. En regard, une étude réalise par la Carsat des Hauts de France[4] révèle que pour 35% des engagés seniors interrogés, c’est bien le passage à la retraite qui a déclenché cet engagement.

Cette même étude au travers des différents typologies de seniors face à l’engagement, dresse le profil type des « éloigné.e.s de l’engagement » comme ayant + de 70 ans, aucun ou faible niveau de diplôme et un faible niveau de revenu. Ce profil type vient parfaitement illustrer les inégalités sociales face à l’engagement constatées dans toutes les études sur le bénévolat. Quelles que soient les générations, la surreprésentation des diplômés parmi les bénévoles reste forte : Le taux d’engagement dans la catégorie des diplômés de l’enseignement supérieur est ainsi de 25%, et de 16% pour les personnes ayant le baccalauréat au moins. Cette inégalité se retrouve voire s’accroit dans l’engagement des seniors ; et plus l’âge augmente, plus la difficulté à « passer la frontière » grandit.

Des enseignements à tirer de ces constats :

  • La disponibilité en termes de temps étant un facteur clé de l’engagement, et la recherche de sens étant de plus en plus centrale dans le rapport à l’activité, il est nécessaire d’avoir une réflexion de fond sur l’articulation des temps de vie, et de développer les mesures favorisant et facilitant l’engagement de tous ceux et celles qui le souhaitent : sensibilisation à l’engagement dès le plus jeune âge, politique de développement du volontariat associatif, remobilisation et valorisation des dispositifs existants de congés d’engagement, …
  • Dans les conditions actuelles, un report de l’âge de départ de la retraite ne peut avoir qu’un effet négatif sur l’engagement bénévole ; cela d’autant plus que ce report impacte plus fortement ceux et celles qui ont commencé à travailler jeunes, souvent moins diplômés et ayant eu moins d’opportunité d’engagement. Un temps libéré plus tardif, pouvant s’accompagner d’une santé plus fragile, risque d’éloigner définitivement ces nouveaux retraités de l’opportunité que représente l’engagement associatif et de priver la société de ce qu’il produit.
  • Les coûts et bénéfices devraient être évalués en prenant en compte plus largement les impacts de la réforme sur la société et les solidarités sur lesquelles elles reposent et non par la seule entrée du financement du régime de retraites

Dans une période où le rapport au travail est interrogé tout comme le rapport à la production, à la consommation et la mesure de ce qui fait la richesse d’un pays et de sa société, ces différents éléments devraient être bien davantage pris en compte pour nourrir les prises de décisions en matière de politiques publiques, notamment ici en ce qui concerne les retraites

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[1] Carole Lipsyc « L’activité contributive » : l’invisible qui fait tourner le monde. Synthèse de l’étude sur la « 1ère mesure de l’activité contributive » (Montreuil : initiative

{contributive}, INGIES, 2022). https://contributive.org/fr/directory/2954/chapter/lactivite-contributive-cet-invisible-qui-fait-tourner-le-monde-2954

[2] L’évolution de l’engagement associatif en France de 2010 à 2022, Étude France Bénévolat, janvier 2022, réalisée par l’IFOP, avec le soutien du Crédit Mutuel et l’appui de Recherches & Solidarités, https://www.francebenevolat.org/sites/default/files/actualites/NOTE_COMPLETE_FranceBenevolat-IFOP-2022_DEF1705.pdf

[3] idem

[4] Observatoire régional de la Vie associative Hauts de France, Enquête sur l’engagement des retraités, CARSAT Hauts de France/ URIOPSS Hauts de France, février 2021, https://www.orva.fr/wp-content/uploads/2021/06/rapportfinalv1-5du1406.pdf